Inconnu du grand public il y a encore quelques mois, Philippe Martinez est devenu l’opposant numéro un du gouvernement. On l’a vu place de la République haranguant les Nuit debout, vociférant en tête des cortèges, jetant des pneus dans le feu aux côtés des piquets de grève et menaçant sur tous les plateaux de télévision. Impossible de le rater. Le numéro un de la CGT ressemble à un dessin de Cabu : épaisse moustache noire que l’on dirait postiche, regard sombre, sourcils en broussaille et mèches mal ordonnées, la tête de l’emploi du gars qui veut en découdre. Sa détermination est totale : Martinez veut que Valls retire l’article 2 de la loi El Khomri qui renforce la négociation d’entreprise par le biais d’accords majoritaires. Une atteinte, selon lui, à la CGT, mieux représentée dans les accords de branches. Une lutte pour le pouvoir. Pour obtenir gain de cause, il abat toutes ses cartes : manifs, blocages des raffineries (il suffit d’une petite minorité), grèves dans les transports, arrêts des centrales nucléaires. Les journaux qui ont refusé de passer pleine page son communiqué ont été punis. La Filpac CGT qui tient les imprimeries les a empêchés de paraître. Seule l’Humanité était en kiosques. Vive la démocratie ! La colère de la CGT menace nos libertés d’aller, de venir, de travailler, de s’exprimer. Un pouvoir totalitaire. Sans compter l’affiche sur les violences policières mal venue et mal pensée. La totale ! Comment expliquer que, depuis son arrivée en 2015, la CGT ait adopté une ligne aussi dure ? Au congrès de Marseille qui l’a élu, le discours radical l’ayant emporté sur les modérés, il ne les a pas contrés. Pour être leur chef, il les suit. Tout le contraire de Bernard Thibaut qui, à Toulouse trois ans plus tôt, avait tenté de les faire taire : « Ce ne sont pas les décibels qui font la majorité. » Adopter une ligne dure permet aussi de réunir les militants derrière leur plus petit dénominateur commun : la lutte contre le Medef et le supposé libéralisme. L’enjeu est crucial : il faut regagner des parts de marché. Depuis quelques années, la CGT perd du terrain dans ses bastions et pourrait être détrônée par la CFDT. Alors, Martinez met le paquet. En 2010, Bernard Thibaut ne soutenait pas la grève dans les raffineries, la CGT chimie-pétrole en avait bloqué dix. En 2016, Martinez, lui, encourage les grévistes. En 2010, Charles Foulard, coordinateur CGT, voulait « virer Sarko ». Aujourd’hui, Martinez veut faire plier Valls. « J’irai jusqu’au bout », a rétorqué le premier ministre. Valls-Martinez, c’est le duel de deux pouvoirs affaiblis, qui jouent leur va-tout dos au mur. C’est le Catalan contre le Castillan. Qui va y laisser le plus de plumes ? 67 % des Français ont une mauvaise opinion de Martinez. Il faut savoir terminer une grève.
Bon, résumons : aujourd’hui, la droite de la droite française ne tient plus un discours raciste et antisémite, elle ne fait plus de la peine capitale une question de vie ou de mort, elle déteste la censure, elle croit au suffrage universel, et ses factions ne se commettent plus dans la rue. Bref, la droite dure et contemporaine peut se résumer par le désir extrême d’exiger l’application stricte des lois républicaines en matière de sûreté comme d’immigration. On est loin du fascisme qui lui est prêté obsessionnellement par les “antifascistes et antiracistes” de l’extrême gauche morale. De son côté, cette gauche “antifasciste” se caractérise aujourd’hui par un goût immodéré pour la violence urbaine et un mépris suprême pour la souveraineté des urnes ou le respect des lois de la République. C’est elle qui dresse la liste des malpensants à exclure du débat démocratique. C’est elle encore qui empêche les journaux de paraître lorsqu’ils ne veulent pas se coucher. C’est elle enfin qui aujourd’hui tolère et entretient le racisme antijuif, anti-Blanc ou antichrétien. Bref, plus besoin à présent de décodeur sophistiqué : les antifascistes autoproclamés sont des fascistes démasqués. Le problème c’est que, depuis que l’imposture syndicale ou politique est apparue aux yeux du plus grand nombre, depuis que leur imposture morale est connue, l’imposteur a perdu de sa superbe. Et, lorsque le masque tombe, apparaît un visage grimaçant, et notre démasqué en devient plus méchant.