# Sarkozy l’idéologue

Uncategorized @ 25 juin 2015

En changeant le nom de l’UMP en «Les Républicains», l’ancien président de la République engage un mouvement stratégique d’ampleur. Fort peu idéologue de tempérament, Sarkozy croit quand même à l’idéologie, face à une gauche qui, elle, n’y croit plus. De la «droite décomplexée» aux «Républicains», Sarkozy a toujours pu compter sur les impasses, fractures et maladresses de la gauche pour imposer son discours. Nicolas Sarkozy idéologue? Cela pourrait faire sourire beaucoup et pourtant, l’ancien Président poursuit avec méthode sa stratégie de reconquête de l’Elysée en y intégrant une forte dimension idéologique. Reconquête de son parti, unification des droites et, désormais élaboration d’une matrice idéologique susceptible de l’emporter sur la gauche et le FN en 2017. Le choix de donner à son camp le nom «Les Républicains» marque son souhait de capter une référence quasi-unanimement acceptée par les Français. En «guerre de position», Nicolas Sarkozy s’avère un stratège plus redoutable que la gauche. Le premier Sarkozy, celui dont peu se souviennent, rêvait à l’instar d’Alain Juppé et d’Edouard Balladur de transformer le RPR en un centre-droit libéral et européen. Charles Pasqua et Philippe Séguin avaient dénoncé l’influence de cette ligne politique et mené une fronde restée célèbre aux Assises du Bourget de 1990. Après 1997, lorsqu’il devint Secrétaire général d’un RPR présidé par Philippe Séguin, il revendiqua sans cesse davantage l’appartenance du mouvement post-gaulliste à «la droite». A un militant qui lui faisait observer qu’il se sentait «gaulliste de gauche», Sarkozy répondit: Lorsque Sarkozy revint au gouvernement après sept années d’ostracisme chiraquien et un cuisant échec aux élections européennes de 1999 (12,82% des voix, derrière la liste Pasqua-Villiers), il s’empara du thème de la sécurité. Sarkozy, clairement «de droite», à la fin d’une période politique où cette étiquette n’allait non seulement pas de soi mais était rejetée par une bonne partie tant des gaullistes que du centre démocrate-chrétien. De droite, Nicolas Sarkozy avait besoin, en 2002, de prouver à son électorat qu’il savait être «efficace»: il s’empara donc de la thématique de la sécurité dans les semaines qui suivirent la réélection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen. Il profita de ce surcroît de popularité pour s’emparer de la machine UMP en 2004. Le fait de se saisir de la sécurité comme thème, puis de l’UMP comme appareil, n’était encore pas suffisant. En 2005, voici tout juste dix ans, le référendum sur le TECE, convainquit Sarkozy de la justesse des prophéties de Patrick Buisson (qui avait prédit 55% pour le non, ce qui, pour qui ne s’aveuglait pas, n’avait rien d’impossible), comme le soulignent Ariane Chemin et Vanessa Schneider dans leur livre, Le mauvais génie. Une lecture géographique, sociale et idéologique du pays démontrait qu’un centre-droit libéral et européen n’avait guère de chance de l’emporter en 2007. Maîtriser son parti, refonder son discours, imposer ses thèmes et sa vision du monde, Nicolas Sarkozy s’est montré méthodique. Plus encore qu’un squatteur de concepts, Sarkozy est un bernard-l’hermite du discours politique: il habite les coquilles que les autres ont abandonnées, vidées de leur contenu et auxquelles il donne une nouvelle fonction. Entre 2005 et 2007, Nicolas Sarkozy s’était appuyé sur Emmanuelle Mignon et sur un important de travail de synthèse idéologique. La «droite décomplexée» avait vu le jour, articulant «rupture» et «ouverture», combinant vocabulaire «de gauche», à l’époque emprunté aux documents de la CFDT, avec imaginaire de droite. Le vocabulaire des années 2005-2007 est à bien des égards «social-démocrate» et le projet du candidat, qui assumait d’être de droite, laissait déjà la place en mars 2007 à des discours à connnotation identitaire (discours de Caen et Besançon de mars 2007). Sarkozy s’appuyait alors sur la fusion des droites et les faiblesses de la gauche pour engager la conquête du pays. Il s’adressait à la fois au peuple de droite, à son désir de rupture et flattait une gauche réformiste, à la mansuétude marquée pour la géopolitique états-unienne de l’époque, et que l’on trouvait rassemblée au sein de la revue Le Meilleur des Mondes. Bernard Kouchner fut l’incarnation de cette «gauche» convertie au sarkozysme.

Comments are closed.